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Du grain à moudre Merci Monsieur Parizeau

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L’Université de Montréal a récemment remis un doctorat honoris causa à Jacques Parizeau. Au moment de l’acceptation du titre, sa brève allocution a permis à Jacques Parizeau de livrer un message non seulement senti, mais d’une grande pertinence pour la période que nous vivons. Deux idées présentées sont inspirantes.

Première idée :
on revient de loin en éducation

L’éducation, il y a peu

Il a rappelé qu’au début de la Révolution tranquille, le constat concernant notre système d’enseignement était brutal. Pour le niveau de scolarisation, nous étions bons derniers des pays industrialisés avec le Portugal.

C’était du temps de l’école de rang. Pourtant Duplessis prétendait que nous avions le meilleur système d’éducation au monde ! Pour Maurice Le Noblet n’étions-nous pas des Français améliorés ?

Cinquante ans plus tard, nous voyons le chemin parcouru, mais nous devons constater que cette histoire est bien courte.

Et l’université

Pour le milieu universitaire, les transformations ont été majeures. Mais, du même souffle, la culture universitaire dans notre société reste superficielle.

La diplomation universitaire chez les jeunes a connu une progression certaine, comparativement aux sociétés limitrophes, mais c’est une réalisation récente. Par exemple, le nombre d’étudiants universitaires de première génération est encore impressionnant, non seulement en région, car l’Université de Montréal est l’une des principales destinations de ces étudiants.

Dans l’imaginaire de plusieurs, hormis la formation professionnelle et la recherche appliquée, l’université a-t-elle un sens ? Et, nos élites ne voient-elles pas trop souvent l’université d’abord sous l’angle de sa contribution en R-D, mais surtout en r-D (davantage comme une boîte de développement et de transfert).

La compréhension de l’université, de son rôle, de sa contribution et de sa place dans le développement de la société reste extraordinairement superficielle. Au-delà d’un enseignement de premier cycle, que connaît-on de l’université ?

L’insoutenable indifférence

Il n’importe pas de distribuer les responsabilités de cette méconnaissance. Les universitaires eux-mêmes doivent s’interroger sur la leur.

L’insensibilité, voire l’indifférence des uns et des autres à l’égard des compressions budgétaires gouvernementales actuelles et les faux procès tenus à l’égard de l’université sur la base de faits isolés ou d’anecdotes sont de grands révélateurs.

Au cours des trente ou quarante dernières années, nous avons connu de grandes réalisations. L’université est socialement et économiquement plus accessible, l’accès en région est assuré, une communauté de chercheurs de grande qualité s’est développée et installée dans les réseaux internationaux, des institutions universitaires se sont imposées à l’échelle internationale.

Cette progression a été possible grâce à une grande mobilisation des personnes et des institutions, et en se dotant d’outils et de ressources publiques. La dernière chose que l’on doive faire, c’est de lever le pied, de casser la cadence et de compromettre l’avenir.

L’inconscience ou l’insouciance avec laquelle les compressions actuelles sont administrées aux universités et au système de recherche tient certainement de l’ignorance des effets qu’elles provoquent au sein de nos institutions.

L’essentiel est en cause

La brutalité des compressions sera à l’origine d’un recul dommageable autant pour la qualité et les conditions des formations, que pour la recherche et ses principales installations. Au-delà de notre mission intrinsèque, notre capacité à suivre la cadence au plan international et à maintenir notre compétitivité est en cause, d’autant que l’on double et même triple la dose de ce remède de cheval.

C’est bien connu : annoncer une disposition gouvernementale, budgétaire ou autre, sur deux ou trois ans produit un déphasage dans les réactions sociales, si bien qu’il est trop tôt pour dénoncer une situation qui n’est pas complètement avérée (ou mûre) et trop tard quand on y est. Politiquement, ce n’est pas nouveau, mais c’est efficace.

Jérémiade que tout cela ? Le diagnostic au départ dans le raisonnement gouvernemental est erroné : nous ne sommes pas gangrénés par une bureaucratie obèse ou des actions somptuaires.

D’ailleurs, cette évocation sert de justification à la politique d’austérité sur laquelle il faut revenir. L’objectif, c’est de réduire la progression des dépenses publiques nettement en deçà de la simple évolution des coûts de système. Alors que le sous-financement est endémique.

À terme, c’est notre mission qui est en cause, celle d’un lieu de formation et de recherche qui prépare la génération montante à investir tous les secteurs de notre société et qui constitue le ferment de l’innovation sociale et économique. Ce n’est pas banal ; c’est plutôt stratégique pour une société, d’autant que notre histoire universitaire est très brève.

Une université de rang… international

Nous devons être fiers de la place qu’occupe l’Université de Montréal sur l’échiquier universitaire international. C’est le résultat d’un travail assidu des professeurs et chercheurs, des réussites auprès des agences de financement, de la mobilisation de sa communauté et d’une volonté institutionnelle forte. Personne ne gagnera si cette position est compromise.

Nous travaillons à maintenir l’Université de Montréal comme université de rang international. Mais méfions-nous de nous contenter d’une université de rang, comme nous avons eu les écoles de rang.

D’aucuns diront, et les pays qui ont le vent en poupe en témoignent, que les coupes budgétaires en éducation, et en Éducation supérieure en particulier, sont une idée contre-productive et régressive dans ses effets à moyen terme.

Deuxième idée :
l’économie n’est pas une science exacte

Austérité quand tu nous tiens

La contrainte budgétaire est jugée imparable pour le gouvernement du Québec : elle commande le retour à l’équilibre en deux ans, on comptant l’année en cours. La sévérité du propos gouvernemental et des mesures adoptées est une.

Il est vrai que le décrochage de la croissance des dépenses publiques face à la croissance de la richesse ne peut être supporté indéfiniment. Mais la fin de ce décrochage n’est pas pour demain, s’il faut considérer notre croissance poussive que ne peut pas doper, bien au contraire, l’actuelle politique d’austérité. L’issue appréhendée c’est qu’il faille accroître encore davantage les compressions budgétaires. Quoi de neuf sous le ciel ombrageux de l’austérité.

L’économie comme science sociale

Je reviens aux propos de Jacques Parizeau. Il a invité son auditoire, deux fois plutôt qu’une, à bien considérer que la science économique n’est pas une science (je comprends au sens de science exacte). Prenant à témoin les politiques d’austérité, dont celle imposée à la Grèce, il rappelle que le modèle économique, qui servait de caution à ces mesures d’austérité, s’est avéré erroné. Combien de vies ont été brisées au nom d’un modèle fautif ?, demande-t-il.

De son côté, Thomas Piketty dans son livre Le capital au XXIe siècle insiste pour dire que la science économique est une science sociale et qu’elle n’a pas le niveau d’exactitude et de prédictibilité d’une science exacte.

D’ailleurs, la pensée économique, comme cela a toujours été, cherche en vain l’unanimisme sur les grandes questions. Ne pensons qu’à Joseph Stiglitz, Paul Krugman, pour se rendre compte que les Prix Nobel sont loin de converger sur la nécessité ou sur la finalité d’une politique d’austérité.

Quand et comment

Même si on admet que l’objectif de l’équilibre budgétaire est désirable, la question n’est pas là. La vraie question est double : combien d’années pour y arriver et comment s’y prendre. La précipitation, ce n’est pas de la détermination, et la précipitation retarde souvent l’équilibre en déprimant la croissance et en ébranlant la société.

J’apprends en écrivant ces lignes que le gouvernement du Québec ajoute une coupe supplémentaire de plus de 30 millions de dollars à l’ensemble des universités pour l’année en cours (2014-2015). Ce geste, plus que déraisonnable, n’est pas applicable en cinq mois de budget. Nous sommes enferrés dans une logique d’austérité qui se satisfait elle-même et qui ne peut conduite qu’à des jugements tautologiques.

L’arrivée du gouvernement libéral n’a pas charmé une croissance déjà vacillante ; la croissance se contracte si bien que l’inadéquation des revenus et des dépenses gouvernementales est exacerbée. La spirale descendante pointe le bout de son nez.

À la précipitation, mieux vaut, avec une démarche résolue, prendre dès le départ une année de plus pour atteindre l’objectif et compter sur la convergence de décideurs à qui on accorde le temps nécessaire d’avoir une action raisonnée et de pouvoir créer les consensus nécessaires à des mesures efficaces et durables.

Quel gain à tout saccager ? Il y a matière à être songeur ou incrédule. Je livre mes réflexions, comme grain à moudre !

Dans tous les cas : Merci Monsieur Parizeau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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